Code de déontologie et éthique
Article de la Commission de déontologie du SNPPsy - Novembre 2023
Le cadre éthique en psychothérapie
Le cadre fait partie intégrante de la psychothérapie. Il pose des limites et des repères pour que
le processus psychothérapique puisse fonctionner en toute sécurité, autant pour le praticien en
psychothérapie relationnelle que pour la personne qu'il accompagne.
Le praticien est amené régulièrement à utiliser la « fonction cadre » dans la relation
thérapeutique.
Le cadre fait tiers ; il instaure des règles structurantes. Il offre un espace de stabilité qui permet
de contenir la situation thérapeutique mouvante et évolutive. Il représente un ancrage au réel
qui peut être confrontant (lieu, horaire, montant des honoraires...) grâce auquel la relation
duelle intime entre la personne et son thérapeute se trouve contenue. Il instaure, par sa
solidité, des limites protégeant le processus de subjectivation des affects régressifs, fusionnels
ou fantasmatiques.
Il ne s'agit donc pas d'appliquer des règles pour le seul confort et l'intérêt du thérapeute ni pour
le seul principe juridique ou moral de respect des règles. Il s'agit de poser et d’exercer la
fonction cadre de façon éthique au seul service du processus de subjectivation de la personne.
Dans ce contexte, les réactions à ce cadre ou ses transgressions sont d'abord un élément de la
psyché à mettre au travail et qui peut faire sens. Toutefois, le cadre en psychothérapie
relationnelle ne peut exercer pleinement sa fonction thérapeutique que s'il procède d'un cadre
institutionnel et s'appuie sur un cadre interne. Il contribue alors à infuser, dans les pratiques,
l'étonnante puissance thérapeutique de l'éthique relationnelle.
1 - Le cadre institutionnel
Le praticien en psychothérapie relationnelle du SNPPsy ne s'autorise pas seulement de lui-même,
ni d'un diplôme fût-il universitaire ou d'une formation dans une méthode, mais il adhère au
cadre institutionnel de sa profession. Cette démarche l'inscrit dans une relation socialisée qui
marquera sa propre pratique et facilitera dans la relation des inconscients la socialisation des
personnes qu'il accompagne.
Les cinq critères du SNPPsy forment ce cadre institutionnel. Ils construisent un socle éthique
solide en posant des exigences : ----
Commencer par une thérapie initiale approfondie,
Continuer par une formation spécifique impliquante et pratique
S’engager à respecter un code de déontologie (acceptant le cas échéant une convocation
de la commission de déontologie en cas de requête impliquant le praticien).
Commencer puis poursuivre sa pratique en suivant une supervision continue,
S’engager dans l’importante fonction initiatique qui consiste à passer par un processus de
titularisation devant des pairs pour être coopté en présence effective par ceux-ci.
Tout cela inscrit le praticien dans la puissance éthique qui se dégage de ces cinq critères,
puissance transmise au praticien en psychothérapie relationnelle quand il y adhère vraiment.
2 - Le cadre interne
L'enseignement suivi par le praticien en psychothérapie relationnelle, les connaissances acquises
dans les transmissions reçues de ses aînés : thérapeutes, superviseurs, formateurs..., les
techniques et méthodes qu'il a expérimentées et par lesquelles il s'est personnellement
transformé, l'intégration en lui-même du code de déontologie donné par le cadre institutionnel,
les lectures, colloques, tranches de thérapie et échanges professionnels dans une formation
continue, créent un cadre intérieur vivant. Le praticien en psychothérapie relationnelle est le
gardien et le garant de son cadre interne, tout comme il sera gardien et garant du cadre
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d'exercice de la psychothérapie proposé à la personne qui le consulte. Ce cadre interne évolue
naturellement tout au long de la carrière du praticien en psychothérapie relationnelle car il ne
s'agit pas de répéter ce qu'on a appris comme un bon élève mais de l'intégrer, se l'approprier et
le réinventer dans sa propre forme d'être, comme autrefois l'apprenti qui se formait longuement
auprès de maîtres différents puis créait son propre chef-d’œuvre pour devenir maître lui-même,
tout en continuant à progresser tout au long de sa carrière.
3 - Le cadre d'exercice de la psychothérapie
Ce cadre est formé par un ensemble de règles qui font contrat entre le praticien et la personne
qu'il accompagne. Ces règles peuvent être négociées et doivent être clairement acceptées par
les deux parties pour que la thérapie puisse fonctionner. Si elles sont exceptionnellement
appelées à évoluer (durée de la séance, changement d’honoraires, de lieu, d'horaire, de
méthode...) ces changements du contrat ne peuvent être imposés et doivent être clairement
acceptés par les deux parties.
La notion de contrat renvoie au social, à l'adulte libre et responsable capable d'engagement où
chacun joue son rôle, et c'est parce que les séances sont contenues par un tel cadre que la
personne peut y régresser ou confier le plus intime d'elle en toute sécurité, et que le thérapeute
peut s'ancrer dans sa fonction sans déraper.
Dans la psychothérapie le cadre représente la réalité spatio-temporelle et la réalité sociale qui
viennent interagir avec l’imaginaire et la symbolique en jeu dans la relation intime de la séance.
Il joue de ce fait un rôle essentiel dans la thérapie. Cet usage de la réalité ne peut se confondre
avec une sorte de réglementation sacralisée qui serait plutôt de l’ordre du surmoi et pourrait
parasiter le processus thérapeutique.
Les règles posées concernent d'habitude le lieu, le jour et l'heure de rendez-vous, la durée et le
rythme des séances, le montant des honoraires et les modalités de paiement des séances, le
paiement des séances manquées, les modalités d'arrêt de la thérapie, le non-passage à l'acte des
conflits, pulsions et affects, la confidentialité et l'engagement de la personne. Elles peuvent
être différentes, on peut en ajouter dans certains cas particuliers, mais il convient d'en limiter
le nombre pour ne pas instaurer un esprit de juridisme réglementaire ou de contrat commercial
qui nuirait à la primauté de la relation éthique vivante sur laquelle se fonde la psychothérapie
relationnelle.
• Le lieu
Le lieu fait partie du cadre. Il doit être adapté à la confidentialité, suffisamment confortable et
sécurisant. La règle est implicitement donnée par l'adresse du cabinet où la personne sera
reçue. C'est une stabilité rassurante, sous réserve que l'ambiance et l'esprit de ce lieu soient
adaptés au travail sur soi. C'est au praticien en psychothérapie relationnelle d'y veiller. Si des
séances se passent en dehors de ce lieu, notamment par média, cela doit rester exceptionnel et
être bien expliqué dans le contrat. Voir à ce sujet le texte « Qu'en est-il des psychothérapies par
média interposé ? ».
• Le jour et l’heure
Le jour et l'heure des rendez-vous sont décidés d'un commun accord selon les disponibilités des
deux parties. Ils restent de préférence toujours les mêmes pour une même personne, formant un
élément de stabilité important qui rythme le temps de vie de la personne et, accessoirement,
facilite aussi l'organisation du thérapeute. Les vacances sont prévues d'avance. Les
empêchements exceptionnels réciproques peuvent conduire à reporter une séance, la déplacer
ou l'annuler s'ils sont annoncés dans un délai convenu, en général 48 heures. On peut assouplir la
règle en cas de réelle force majeure imprévisible ne servant pas d'alibi.
• La durée
La durée et le rythme des séances doivent être prévus et annoncés. Une durée de 50 minutes
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hebdomadaire est le plus traditionnel en séances individuelles. C'était la recommandation de
plusieurs sociétés de psychanalystes, mais ce temps dépend des méthodes utilisées et du
thérapeute. On pourrait penser que certaines personnes se suffisent de trois quarts d'heure et
d'autres ont besoin d'une heure, que la scansion lacanienne peut être acceptable, ou bien que le
thérapeute se trouve plus opératoire dans telle durée plutôt que dans telle autre, ou encore que
certaines personnes gagneraient à suivre deux séances par semaines d'une demi-heure plutôt
qu'une séance d'une heure par semaine, et que d'autres encore se suffisent d'une séance par
quinzaine ou ne peuvent davantage pour des raisons financières, ou encore qu'une séance de
thérapie psychocorporelle ou d'art-thérapie demande plus de temps qu'une séance de
psychothérapie verbale, etc. L'important est que le temps de la séance soit convenu lors du
contrat initial et qu'il soit respecté ensuite, sans rigidité mais sans laxisme non plus parce que la
justesse de la limite contribue à la structuration du moi.
• Les honoraires
Le montant des honoraires fait évidemment partie du contrat. Il doit dans tous les cas rester
décent et proportionné à la fois à l'usage majoritaire (actuellement – octobre 2023 - de 50 à 90 €
à Paris, un peu moins en province) mais aussi adapté à la fois aux possibilités réelles de la
personne et aux besoins du thérapeute (voir le texte sur la question de l’argent).
Une règle de paiement des séances manquées est clairement posée. Il convient d'en expliquer
les raisons et s'assurer de l'accord de la personne ainsi responsabilisée (voir le texte « Le
paiement des séances manquées »).
• Le non-passage à l’acte
Il convient de poser une règle de non-passage à l'acte de l'agressivité ou des sentiments
amoureux entre les protagonistes, toute difficulté devant passer par le dire. Il s'agit des conflits
et pulsions qui peuvent advenir au cours d'une thérapie, ainsi que des phénomènes de transferts
positifs ou négatifs. Ils ne doivent être ni refoulés ni déchargés dans un passage à l'acte, parce
que dans les deux cas cela ferait obstacle au processus de subjectivation. C'est pourquoi ils
doivent être parlés et peuvent alors faire l'objet d'un travail thérapeutique souvent très
bénéfique. Ce processus sera expliqué pour que la règle soit bien comprise. Elle pourrait alors
s'énoncer par : « toute envie de passage à l’acte passe par la parole ».
Le fait de poser cette règle au départ permet de la rappeler si, au cours du processus, le patient
passe à l’acte au lieu de dire. La règle qui lui est rappelée à ce moment-là peut l’aider à
consentir à mettre des mots sur ce qu’il a agi. Le praticien en psychothérapie relationnelle n’a
pas la prétention d’empêcher que, dans certaines problématiques, le patient agisse au lieu de
parler.
• Les modalités d'arrêt de la thérapie
La thérapie s'arrête d'un commun accord quand le travail paraît suffisamment accompli dans la
phase de vie où se trouve la personne, ou quand il apparaît aux deux protagonistes qu'il y aurait
un bénéfice à approfondir ce travail avec un thérapeute de l'autre sexe ou dans une autre
méthode. Les modalités d'arrêt de la thérapie sont incluses dans le contrat, comme le fait de
consacrer deux ou trois séances pour analyser les vrais motifs de l'arrêt si celui-ci n'apparaît pas
évident à l'une des parties du contrat, après quoi chacun peut reprendre sa liberté sans passage
à l'acte. La manière de se quitter en le nommant, dans une qualité relationnelle éthique, est un
moment particulièrement thérapeutique qu'il ne faut pas esquiver.
• La confidentialité
Une règle intangible de confidentialité est nommée par le praticien en psychothérapie
relationnelle comme une obligation déontologique à laquelle il déclare se conformer. Rien de ce
qui se passe dans la séance ne filtrera à l'extérieur. Cela concerne non seulement ce que la
personne a pu confier, mais aussi ce que le psychopraticien a pu voir et ce qu'il a pu
comprendre. Cette règle sera également exigée de la part des participants et cothérapeutes ou
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étudiants en formation dans les thérapies de groupe. Le secret concernera ce qu'ont pu dire ou
faire les autres participants mais aussi leur identité. Dans les séances individuelles, on veillera à
ce que les différentes personnes venant en thérapie ne se croisent pas. (Voir aussi le texte
« Secret professionnel et dénonciation de crime »)
• L'engagement de la personne
Le praticien en psychothérapie relationnelle pourra aussi préciser que c'est la sincérité de la
personne et son engagement dans sa thérapie et dans la relation avec son thérapeute, qui lui
même s’engage, qui feront le succès du travail sur elle-même. Le corollaire est que le
thérapeute ne portera aucun jugement sur ses confidences et mettra toutes ses compétences au
seul service de sa réalisation comme sujet libre et vivant.
4 - Quelle attitude éthique quand la personne transgresse le cadre ?
Lorsque qu’une limite du cadre est franchie par la personne en thérapie, le praticien reste avant
tout thérapeute. Il convient d'entendre la transgression comme un symptôme, un langage de
l'inconscient à décrypter. L'oubli, le refus ou la manipulation des règles signifie toujours quelque
chose du fonctionnement psychique de la personne, de ce qui se transfère des émois et
revendications de l'enfance dans la relation au thérapeute, de la question des limites et des
règles qui n’ont pas été intégrées, mais aussi de l'ambiance collective. C'est d'abord à mettre au
travail. On pourra alors faire appliquer la règle non comme une contrainte ou une punition, ni
par morale ou juridisme, mais comme un instrument de responsabilisation librement consenti.
Cela contribue à faire passer du fonctionnement affectif de l'enfance au fonctionnement
socialisé de l'adulte sans laisser personne en dette, ce qui permet au processus de subjectivation
de fonctionner.
Il n’échappe pas à notre observation que nous vivons de plus en plus dans un monde où la
question des limites et des états psychiques limites vécus par nos contemporains nous pose de
nouveaux défis. S'y ajoute l'omniprésence des nouvelles technologies, avec le triomphe du
virtuel sur la vraie vie et de l'artificiel sur l'authentique. Tout cela participe d'une sorte
d’assujettissement qui tend à réduire la personne à un objet de consommation, laquelle pourra
de ce fait voir aussi sa thérapie comme objet de consommation. Le bon usage du cadre s'avère
ici plus nécessaire que jamais.
Il faut cependant accueillir la personne là où elle en est et poser parfois un cadre minimal qui
prend en compte ce qui est acceptable pour elle, mais en prévenant de la possibilité d’une
évolution de celui-ci. Le cadre est alors considéré comme un élément à construire
dynamiquement au cours de la thérapie. Toutefois, un socle de stabilité du cadre reste
nécessaire. Il incarne un point fixe, une fiabilité qui va permettre que le chaos vécu par
certaines personnes puisse devenir une figure qui se dégage sur un fond et qu’ainsi ils puissent
eux-mêmes, avec l’accompagnement de la thérapie, se dégager progressivement d’une
confusion entre le fond et la forme de ces figures.
La nécessité du cadre et la façon dont nous allons le présenter puis l'utiliser au cours de la
thérapie nous convoque au rendez-vous de notre éthique. Il faudra prendre en compte le fait
que l’autre n’est pas moi, et qu’en tant que thérapeute j’accueille d’abord son altérité y
compris dans sa forme transitoire, symptomatique, capable d’évolutions, tout en conduisant le
processus avec la rigueur et la justesse nécessaires, dans la responsabilité et la liberté sans
lesquelles il n'y a pas d'éthique.